CHAMPIONNAT SUISSE D’ORTHOGRAPHE 2018 DEMI-FINALE, Genève, Salon du Livre
EPISODE V : UN BAVARD
Après ma nuit blanche, je n’ai qu’une envie, aller me coucher. Je pousse la porte. Je trouve mon immeuble en pleine ébullition. Trois sapeurs-pompiers dévalant l’escalier manquent de me renverser. L’un d’eux, muni d’un filet, m’interpelle :
– Bonjour, madame. Vous ne les avez pas vus ? Vous habitez ici ?
– Oui.
– Un scinque ocellé et un gecko… vous les avez vus ?Je n’en crois pas mes oreilles. Encore du japonais ?
– Un scinque…ocellé… un gecko ?
– Oui, des bestioles bizarres. Le scinque, c’est un reptile, un scincidé, et le gecko, un lézard, un lacertilien.
– Ah ! Et ils se sont échappés ? fais-je, faussement intéressée et assommée par tous ces termes savants.
– Oui, vous savez bien… Le locataire du second… Une espèce de rastaquouère qui blèse. Ce matin, à l’aube, il nettoie son terrarium et hop ! tout son petit zoo s’enfuit. Il se rue au balcon et il hurle son désespoir. Ce sont les voisins qui nous ont appelés.
(fin de la dictée des juniors)
Hier, un collègue est tombé d’un appentis en capturant un ara qui le narguait en le traitant de bachibouzouk. Le pauvre s’est brisé le coccyx. Il y a deux jours, c’était la traque d’un atèle, propriété d’une ex-égérie quasi centenaire de Soljenitsyne. Le singe s’était réfugié au milieu des panicules les plus fournies d’un paulownia et s’enivrait de l’odeur de violette exhalée par les fleurs mellifères. C’est au lasso qu’on l’a ramené à terre à passé deux heures du matin.
Abrutie de fatigue, je m’assieds sur une marche tandis que, sans pitié, mon bourreau poursuit :
Sachez que le carassin doré, c’est fini. Place maintenant aux NAC, aux nouveaux animaux de compagnie : des furets, des gerbilles, des chinchillas, des viscaches et des psittacidés en pagaille.
Vous connaissez sûrement l’agami, qu’on appelle l’oiseau-trompette. Une noblaillonne quercinoise s’en était entichée et s’était fait envoyer un couple du Surinam. Elle l’avait installé dans le parc de son manoir. Les volatiles s’étaient fait la malle et avaient niché dans un châtaignier devant les fenêtres d’une pouponnière et, toutes les nuits, le mâle faisait un sabbat de tous les diables en trompettant à qui mieux mieux en compétition avec les hululements d’un moyen duc. Comme nous l’avions hélas ! blessé lors de la capture, nous avons été contraints de le manger. Succulent, l’agami ! Ce jour-là, nous avons fait bonne chère, croyez-moi. Mais vous bâillez ! Ce que je vous raconte ne vous passionne donc pas ?
F. Klotz sous le contrôle du jury présidé par Pierre Mayoraz
Variantes: bachi-bouzouk, pagaye, pagaïe, caracin, trompetant, ululements, Suriname
Palmarès
Sont qualifiés pour la finale les concurrents suivants:
Cédric Jeancolas (deux fautes), Daniel Fattore (quatre fautes), Olivier Terjan, Jacques Menoud, Mareva Piloud, Gregor Chliamovitch, Michèle Brullez, Florence Guez, Françoise Moerch, Stéphane Michel, Patrick Hachemane, Isabelle Python, Solène de Montmollin, Chantal Barmont, Sandrine Guillet, Marc Emery, Gianvito Lucifora, Eveline Jaques, Suzanne Gentizon, Karine Alber, Gisèle Vauthey, Maria Steiner, Carole Cattin, Elisabeth Gobin, Lorraine Tilliette, Catherine Bel, Cynthia Vaudroz, Emmanuelle Cattin, Bastien Dobler, Wanda Guerry
Le mot du président du jury
Cherche Natel désespérément
Demi-finale de haute volée au Salon du livre 2018. Si l’on a vu quelques concurrents quasi se jouer des pièges du bestiaire klotzien, il faut tout de même noter que la plupart des participants n’avaient auparavant que peu fréquenté une faune certes peu courante sous nos latitudes. D’où un nombre de fautes relativement élevé dans la moyenne. La dictée de certains mots a mis dans un embarras tel quelques concurrents qu’ils partirent à la recherche de leur natel dans les arbres alors qu’un simple atèle eût suffi à contourner l’obstacle.
Relevons les deux fautes de Cédric Jeancolas qui remporte cette demi-finale devant Daniel Fattore et ses quatre erreurs. Plusieurs candidats habitués à un nombre de fautes à un chiffre ont cette fois eu moins de succès dépassant parfois nettement les dix faux pas. Ils auront l’occasion de se racheter fin août lors de la finale à la Fête du livre de Saint-Pierre-de-Clages. En attendant bon été à tous.
Pierre Mayoraz, président du jury
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